Buenos Aires, Argentine
ESPIA A UNA MUJER QUE SE MATA
d’après Oncle Vania d’Anton Tchekhov
Il n’y aura pas de costumes de théâtre, ni de mélodies bucoliques dans les salons familiaux. Aucune trace qui rappelle un temps champêtre. L’action se déroulera dans la scénographie vieille et cabossée de l’un de mes précédents spectacles Mujeres Soñaron Caballos. Dénudée pour arriver à l’expression minimum, Espía a una mujer que se mata est une adaptation de Oncle Vania qui pose petit à petit quelques questions d’ordre universel: l’alcool, l’amour de la nature et la recherche de la vérité à travers l’art. Dieu, Stanislavski et Genet.
Daniel Veronese
©Ligne Directe,2010
Pour Daniel Veronese, le théâtre ne sera jamais le lieu du souvenir où l’on conserve les œuvres dans le formol pour qu’elles se reproduisent indéfiniment dans des formes figées à tout jamais. Le théâtre est le lieu du présent, du monde d’aujourd’hui, éclairé par les lumières du passé et en l’occurrence celles de cette Russie en crise où se débattent ceux dont les espérances ont été dévorées par les habitudes, la lâcheté, l’hypocrisie et le temps qui passe...
La crise de 2001 en Argentine a frappé de manière si profonde l’ensemble de la société que s’est imposée à Daniel Veronese la comparaison avec les descriptions du marasme russe un siècle auparavant chez Tchekhov.
Comme le Vania de Tchekhov, qui fomente sa petite révolution avant de battre finalement en retraite pour laisser les choses en l’état, l’Argentine a reculé devant la nécessité de réformes fondamentales.
C’est un univers réduit à la dimension d’une minuscule pièce de séjour, salon-salle à manger, où tous les personnages s’entassent, se frôlent, s’affrontent en buvant, en jouant, en se menaçant, en se mentant souvent à eux-mêmes.
S’interrogeant à la fois sur le monde et sur le théâtre, Daniel Veronese est à la fois d’une grande fidélité à l’œuvre tchekhovienne et d’une liberté réjouissante quand il s’agit de faire entendre la parole de Jean Genet dans quelques extraits des Bonnes.
Véritable machine à jouer, cette mise en scène est servie par des acteurs dont l’énergie explose de toute part, entraînant le spectateur dans ce voyage au cœur du théâtre d’art, de ce théâtre qui s’ouvre au présent, qui prend le risque de la proximité, qui s’offre généreusement à ses interlocuteurs, qui questionne et provoque, qui se partage dans l’instant même de sa représentation... à l’heure où le lien social, en Argentine et ailleurs, semble en voie de désagrégation, cette adaptation d’Oncle Vania prend des allures subversives et nous rappelle, si besoin était, que « Tchekhov semble être d’une effroyable actualité... ».
Jean-François Perrier, pour la MC93 Bobigny
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